Pourquoi le mal existe dans le monde ?

Développement de la question

Puisque D.ieu est parfait et complètement bon, il est tout à fait légitime de se demander pourquoi Il créa un monde imparfait, dans lequel le mal est visible à tous les niveaux, causant tant de souffrances. Pourquoi ne pas avoir créé un monde parfait, sans aucun manque, sans guerre, sans pauvreté ni famines, sans maladies... ?

Réponse

D.ieu veut donner un bien parfait

Rabbi Moshé Haïm Luzzatto (le Ramh'al) explique dans Daat Tevounot (chap. 2 -18, traduction Rav M. Chriqui et D. Cohen)) :

"D.ieu est le Bien parfait. Or, la nature du Bien est de prodiguer. Il a dans ce but voulu créer des créatures. En effet, si nul n'est là pour recevoir le Bien, aucune bonté ne peut s'exprimer."

D.ieu est souvent appelé "Shalom" [La paix] dans la Torah, qui vient de la racine Shalem qui veut dire complet. Le Divin est "complet" dans le sens où Il contient tout le bien possible et imaginable.

De plus, il est dans la nature du bon de faire le bien : en effet, pourrait-on imaginer qu'on dise d'une personne qu'elle est bonne, alors qu'elle ne donne rien aux autres, à ses proches ni aux pauvres ? 

Le Bon est donc nécessairement donnant ; D.ieu est aussi appelé "Hatov véhamétiv" [Le Bon et qui fait le Bien].

Comme D.ieu est le bien le plus parfait qui soit, Il souhaite donner un bien parfait : sans défaut.

Un monde sans mal ne permet pas de donner un bien parfait

D.ieu aurait pu créer un monde "parfait", où nous recevrions tout le bien sans effort et sans aucun mal. 

En réalité, le bien que nous recevrions dans ce monde faussement idéal ne serait pas parfait car comportant deux défauts majeurs insupportables à l'homme :

a) le bien reçu en cadeau ne procurera pas du tout la même satisfaction que le bien fruit de ses efforts

b) le bien reçu en cadeau donnera un sentiment de honte de recevoir son pain dans la main, tel un mendiant.

a) Un bien parfait est un bien qu'on a le sentiment de posséder

Comme l'explique le Rav Ron Shaya, un bien parfait est un bien qu'on a réellement le sentiment de posséder. Or,  le sentiment de posséder quelque chose est beaucoup plus fort quand on a effectué des efforts pour l'acquérir, que quand on l'a reçu sans effort.

b) Un bien parfait n'engendre pas de honte à celui qui le reçoit

Le Ramh'al poursuit (ibid) : 

"Or, dans Sa sagesse sublime, Il savait que pour que le bienfait soit complet, celui-ci ne devait être reçu qu'en tant que fruit d'un labeur. Cela pour permettre à ceux qui reçoivent de posséder ce bien sans honte de recevoir, comme dans la charité. A ce sujet, il est dit : "Qui mange de ce qui ne lui appartient pas, a honte de regarder son bienfaiteur" (Talmud Yerouchalmi, Orla, 1, 3)"

Recevoir un cadeau gratuit, sans avoir fait d'effort pour l'acquérir est appelé par les sages : "Nahama dekisoufa" [Le pain de la honte].

Pourquoi recevoir sans effort son pain fait honte à l'homme ?

Le Rav Yehouda Leib Ashlag explique dans l'introduction au Talmud Esser Hasephirot : l'homme est issu de D.ieu comme la branche est issue du tronc de l'arbre. Or, de même que la branche possède les mêmes caractéristiques que le tronc (couleur, texture, matière...), de même l'homme possède intrinsèquement des caractéristiques du Divin.

Et puisque D.ieu est complet et parfait, Il n'a donc aucune volonté de recevoir quoi que ce soit ; et d'ailleurs, de qui pourrait-Il recevoir ?

L'homme étant issu de D.ieu, nécessairement cette absence de volonté de recevoir dans sa source Divine se traduit chez lui en un refus de recevoir un cadeau gratuit.

Il est donc honteux et insupportable à l'homme de recevoir de D.ieu sa subsistance et tout le bien comme un cadeau gratuit, car en cela, inconsciemment, il s'en trouverait dégradé dans sa nature Divine la plus profonde.

Pourtant recevoir un cadeau ne rend pas toujours honteux !?

Pourtant, lorsqu'on invite par exemple quelqu'un à un repas, il n'est pourtant pas gêné de venir manger ! Il n'éprouve pas de honte particulière, pourquoi ?

Le Rav Yehoshoua Zuckerman explique que c'est tout simplement car il peut à tout moment rendre l'invitation, inviter l'autre à manger chez lui. Le fait de pouvoir rendre le cadeau le place au même niveau que son prochain, il n'y a donc pas de honte.

En revanche, dans le cas d'une personne qui ne pourrait pas rendre l'invitation, il serait alors inévitablement gêné d'être invité...  S'il ne peut pas rendre le cadeau qu'on lui fait, s'instaure entre lui et son bienfaiteur une hiérarchie où le recevant se place en dessous du donnant, provoquant sa gène.

Le mal va permettre à l'homme de recevoir un bien parfait

Pour donner à l'homme un bien parfait, affranchi des défauts vus plus haut, D.ieu crée un monde où le mal est présent : ce sont tous les manques que nous connaissons : la guerre qui est un manque de paix, la pauvreté qui est un manque de richesse etc.

Par le fruit de ses efforts, l'homme "répare" le mal, c'est-à-dire comble les manques du monde. Par exemple, un des manques les plus lourds de conséquences : la terre non cultivée produit des ronces. L'homme va labourer, semer, irriguer, récolter, moudre etc. pour obtenir un pain commestible.

Par le fruit de son travail, il obtient le bien qui ne lui est donc pas donné par D.ieu comme un cadeau gratuit.

Le bien reçu est alors parfait : l'homme le possède réellement et n'a pas honte de le recevoir. 

A retenir

D.ieu a placé l'homme dans un monde rempli de mal, afin de lui donner la possibilité de faire un travail pour combler ces manques. L'intérêt est double : grâce aux nombreux efforts déployés, l'homme ressent réellement qu'il possède tout le bien qu'il reçoit, la vie, la santé, la subsistance, un toit, une famille etc. et n'éprouve aucune honte à le recevoir : ce bien est alors parfait.