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Publié par Jérémy Avraham Cohen

Faut-il suivre l'avis le plus rigoureux dans la loi juive ?

Développement de la question

Dans le respect des mitsvot [commandements], il existe une marge de manoeuvre qui donne une certaine souplesse à la pratique religieuse. Pour toute mitsva, la pratique souhaitée est appelée la "Halakh'a" ; la pratique la moins contraignante est appelée la "Koula", et la pratique la plus rigoureuse est appelée la "Houmra". Suivant le contexte, chacun pourra alors choisir sa manière personnelle de servir D.ieu dans le respect du cadre fixé par la Halah'a [Loi juive].

Or, on constate un phénomène assez récent, qui voit les juifs pratiquants aller de manière systématique à la h'oumra. Est-ce bien ? Est-ce la volonté de la Torah ?

Réponse

La principale raison de suivre un avis rigoureux

Le Rav Yehoshoua Zuckerman enseigne que l'avis le plus rigoureux  doit être uniquement suivi dans le but d'aider la personne à ne pas fauter de nouveau.

En effet, lorsqu'un individu transgresse un interdit (à D.ieu ne plaise !), il peut en ressortir plus fort qu'avant, à condition qu'il cherche à comprendre les raisons qui ont pu l'amener à fauter. Ainsi, lorsqu'il réalise quelles sont ses faiblesses, il saura sur quels points spécifiques il devra agir de façon plus rigoureuse que la Loi, afin de ne pas être tenté et échouer de nouveau.

Par exemple, une femme souhaitant respecter les règles de pudeur portera une jupe sous le jenoux. Mais si pendant une période de sa vie elle a porté  des jupes non conformes à la halakh'a, elle pourra désormais aller à la h'oumra en portant des jupes qui tombent jusqu'à la cheville. Ainsi, cet engagement qui va au delà de la Loi stricte l'aidera à ne pas retourner en arrière dans sa progression spirituelle.

La h'oumra prend ici tout son sens, et n'est donc pas pratiquée parcequ'elle serait meilleure que la koula ; elle n'est pas non plus pratiquée de manière systématique car cela n'aurait pas de sens.

Pourtant, suivre l'avis le plus rigoureux est un principe qui semble être loué par nos sages ?

Dans les livres de Halakh'a, on peut remarquer qu'une certaine expression revient souvent, comme par exemple dans le passage suivant (Yalkout Yossef siman 184) :

"Il faut réciter le birkat hamazon [bénédiction de grâce après le repas] à l'endroit où l'on a pris le repas, avant de le quitter. Cependant, si on l'a quitté involontairement, on le récitera à l'endroit où on se trouve lorsqu'on s'en souvient. Mais celui qui se montre plus strict et revient à l'endroit où il a mangé pour réciter le birkat hamazonmérite une bénédiction particulière [tavo alav berah'a]."

Avant tout, il est à noter que cette expression ne revient pas systématiquement dans les livres de Loi. Les décisionnaires l'emploient uniquement lorsqu'il y a un doute concernant la manière de trancher la loi.

Aussi, dans le cas que nous avons cité plus haut, le Rav Itsh'ak Yossef préconise d'être plus rigoureux, car il est rapporté dans le Choulkhan Aroukh (le livre de référence de la Halakh'a) une divergence d'opinion autour de ce point qui n'a pas été tranché.

Les décisionnaires préconisent donc de suivre un avis rigoureux lorsqu'il existe un doute sur la halakh'a.

Convient-il à tous de suivre un avis rigoureux lorsqu'il existe un doute ?

Nos sages enseignent clairement qu'il n'est pas permis à tous d'être plus rigoureux que la loi de façon générale (Talmud, Brah'ot 16b) :

"Il n'est pas permis à tous de se faire un renom et de recevoir les honneurs."

C'est donc uniquement une catégorie spécifique de personnes qui pourra se permettre d'agir selon l’avis le plus strict dans le but de s'éloigner de tout doute. Ces personnes se caractérisent par une pratique scrupuleuse des commandements ainsi que par une grande crainte de D.ieu. C'est donc la volonté de perfectionnement dans leur service D.ivin qui les poussera à agir de la sorte.

La raison pour laquelle il n'est pas permis à chaque individu d'être plus rigoureux que la loi est qu'il ressemblera à un "fanfaron et à un fier" (ibid).

Ainsi, par exemple, comme le précise le Choulkh'an Aroukh' (orah' h'ayim 3, 1) seuls les hommes très précautionneux dans leur respect des mitsvot, et se trouvant au niveau spirituel requis, auront le droit de mettre les Tefilines dites de Rabbenou Tam en plus des Téfilines obligatoires. L'élévation spirituelle doit suivre des étapes établies selon un ordre précis (Talmud, Avoda Zara 20b).

Tant qu'il n'aura pas atteint une pratique scrupuleuse des commandements, un juif simple ne devrait donc pas chercher à suivre l'avis rigoureux dans le seul but de s'éloigner du doute,

A retenir

Comme nous l'avons vu, il existe des raisons précises de choisir la h'oumra ; par conséquent, d'y aller de manière systématique n'aura pas de sens. On ira selon un avis plus rigoureux que la Loi si l'on craint de la transgresser, connaissant bien ses faiblesses. En dehors de ce cas, comme le dit le Talmud celui qui irait suivant la h'oumra risque fort de passer pour "un fanfaron et un fier". 

Commenter cet article

J
Je cite &quot;On ira selon un avis plus rigoureux que la Loi si l'on craint de la transgresser, connaissant bien ses faiblesses&quot; mais connaissont nous vraiment nos faiblesses ?<br /> Ce qui est sur c'est que nous devons nous faire un Rav et respecter se qu'il nous dit et suivre cette avis sans rien en changer !
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I
Effectivement il ne faut pas être destabilisé par le fait que j'ai apporté deux explications diamétralement opposées du &quot;Fais-toi un Rav&quot;. Une qui dit de suivre un Rav qui nous montre le chemin, et une autre qui dit le contraire, de tout faire pour devenir soi-même un Rav, c'est à dire arriver à savoir toujours par soi-même quel est le bon chemin. En fait les deux avis se complètent : il faut suivre un Rav au début qui nous permettra de devenir ensuite indépendant et de voler de nos propres ailes, tel Moshé qui a porté le Peuple toute sa vie, et à la fin de sa vie a vu un Peuple mature prêt à rentrer sans lui en Erets Israël. Bonne journée.
J
Bonjour Mr Morali<br /> sans vouloir rentrer dans une polémique vous avez intelligemment parlé des pirké Avot. Mais puis je vous faire remarqué que votre conclusion et les premiers mots de notre mishna ne corresponde pas du tt avec ce que vous avez dit ....
I
Bonjour Jérémy, nous sommes en phase, puisqu'il n'est pas facile de connaitre ses faiblesses il ne faut donc pas aller à la Houmra sans raison et donc choisir d'aller selon l'avis médian de la Halakha. Pour ce qui est d'avoir un Rav effectivement il est écrit dans Pirké Avot &quot;Assé lekha Rav&quot;, fait toi un Rav, comme tu le précise justement ; ton Rav a étudié pendant des décénies la nature humaine profonde et a fréquenté des milliers de personnes ; s'il est fin, il saura peut etre mieux que toi quelles sont tes faiblesses et t'orientera sur le bon chemin, dans certains cas il te dira de suivre l'avis le plus rigoureux car il saura que sans cette précaution tu resquerais de flancher, et dans un autre cas il te dira au contraire de suivre l'avis le moins rigoureux car il sait que s'il te disais de faire plus tu renoncerais sur ce point spécifique. C'est la grandeur d'un vrai Rav, qu'il sache orienter la personne dans un sens ou dans l'autre sans donner une réponse systématique. Cependant, il existe une autre interprétation de &quot;Assé lekha Rav&quot;, plutot que &quot;Fais-toi un Rav&quot; on peut aussi le comprendre comme &quot;Fais de toi un Rav&quot; ! et là le sens est tout différent : fais en sorte de devenir suffisamment fin toi même pour savoir dans quelle direction aller. C'est tout le bien qu'on peut souhaiter à quelqu'un, qu'il arrive par lui même à juger. Alors le Rav aura réellement accompli son travail, de rendre les fidèles indépendants et non dépendants, tel Moshé quittant le Peuple à la fin de sa vie, Peuple qui a pu survivre après Moshé jusqu'à nos jours. A bientôt !