Pourquoi doit-on se marier ?

Développement de la question

Il y a bien des raisons pour lesquelles les hommes et les femmes décident de s'unir. Certains, avant tout pour fonder une famille ; d'autres, plus par peur de la solitude ; et d'autres tout simplement... par amour ! A priori rien de spécifiquement religieux.

Pourquoi alors la Torah érige-t-elle le mariage comme une mitsva, une obligation religieuse pour tout homme juif ?

S'il s'agit d'élévation spirituelle, l'homme pourrait très bien imaginer étudier, prier et pratiquer les mitsvot, sans se marier. Quel est donc l'intérêt profond et éminent du mariage ?

Réponse

L'homme doit apprendre à donner

Le Rav Avner Kavas, spécialiste du couple, enseigne que l'homme doit se marier pour apprendre à donner.

Il s'appuie sur le passage de la Génèse qui au commancement décrit l'apparition de la femme :

"D.ieu créa l'homme à Son image, à l'image de D.ieu Il le créa, mâle et femelle Il les créa".(Béréchit, 1, 27)

De ce verset on apprend que le premier homme, Adam, était à la fois mâle et femelle, de manière imagée on pourrait dire "collés dos à dos".

Puis il est écrit :

"D.ieu dit : il n'est pas bon que l'homme soit seul, je vais lui faire une aide face à lui" (Béréchit, 2,18)

De ce verset on apprend que le Créateur a "séparé" Adam en deux corps distinctes : le côté mâle que l'on appelle "homme", et, maintenant face à lui, le côté femelle que l'on appelle "femme".

En fait, tant que Adam était encore unifié, sa partie mâle, donnante, ne pouvait pas encore donner à sa partie femelle, recevante, comme s'ils étaient dos à dos, comme s'il prenait de la poche gauche pour mettre dans la droite.

Comme l'enseigne le Rav Ashlag ("Talmoud E'sser Sfirot", introduction), le Bien s'identifie de manière générale à la "volonté de donner" [Haratson léhashpia'].

C'est pour cette raison qu'il est écrit "Il n'est pas bon que l'homme soit seul..." car, tant que l'homme n'a personne à qui donner en face de lui, il n'est pas bon car il ne peut pas faire preuve de bonté.

Pourquoi faut-il attendre le mariage pour donner véritablement ?

L'amour, c'est-à-dire le don véritable, est un don désintéressé.

Si le don est intéressé, "ce n'est pas de l'amour, c'est l'épicerie" comme dit le Rav Kavas, c'est-à-dire une transaction "commerciale". Comme à la caisse de l'épicerie, la personne donne pour recevoir en échange autre chose.

Aussi, on ne pourra s'habituer à donner de manière désintéressée, que lorsqu'on sera confronté à des situations où l'on est obligé de donner contre notre propre intérêt.

Et c'est justement le cas dans le cadre du mariage, l'homme devra faire tout son possible pour donner à son épouse, de son temps, de son argent, de son écoute, de sa tendresse, de sa patience, de sa compréhension etc. même s'il est fatigué, qu'il avait prévu autre chose, qu'il n'était pas forcément d'accord etc.

Or avant le mariage, l'homme peut aussi faire preuve de bonté, aller rendre visite à des malades, aider les autres financièrement, donner de son temps et de son énergie... Mais du fait qu'il ne confronte pas son intérêt personnel à celui de son épouse, c'est son intérêt seul qui s'exprime. Il lui sera donc beaucoup plus difficile d'atteindre le don parfait, désintéressé.

La brit mila, la bar mitsva, le mariage et les bonnes actions

Lors d'une brit mila, les proches formulent traditionnellement cette bénédiction aux parents : "Shétizkou légadelo la mitsvot, lah'oupa oulémaassim tovim" [que vous puissiez l'élever jusqu'à la bar mitsva, au mariage et aux bonnes actions].

Remarquez l'ordre dans lequel ces étapes se succèdent, les bonnes actions arrivent en dernier ! On aurait pu imaginer que le jeune homme fasse des bonnes actions dès sa bar mitsva ou même avant.

A la lumière de ce que nous venons d'expliquer cela devient clair : l'ordre des étapes décrites est très précis : l'homme ne pourra réellement faire des "bonnes actions" que lorsqu'il sera marié, qu'il aura quelqu'un à qui donner sans forcément le faire par intérêt personnel.

L'homme doit apprendre à s'écraser

Le Rav Ron Shaya (Roch Yechiva "Yeshouot Yossef", Jérusalem) enseigne une autre raison qui vient compléter la première : l'homme doit se marier pour "apprendre à s'écraser".

L'orgueil, la colère et la recherche des honneurs sont des défauts ancrés dans la nature de tout homme, les pires pour éloigner l'homme de D.ieu. L'un des meilleurs moyens pour se raffiner et supprimer ces défauts, est d'apprendre à s'écraser pour acquérir l'humilité qui en est le remède ultime.

Ainsi, dans le cadre du mariage, confronté à la volonté de sa femme qui est de nature si différente, bien souvent il n'aura pas d'autre choix que de soumettre son égo s'il ne veut pas que son couple explose.

Pourquoi est-ce si important d'acquérir l'humilité, et d'apprendre à donner ?

Le Ramh'al (Rabbi Moshé H'aïm Luzzatto) nous révèle le secret du bonheur véritable : "...la véritable perfection est seulement de ressembler à D.ieu" [dvekout b'Hachem] "Cela seul est le bonheur, tout le reste que les hommes considèrent comme le bien, n'est que vanité et mensonge" (Messilat Yecharim, chap.1)

Or, D.ieu n'est que donnant et n'a pas de volonté de recevoir (Rav Ashlag, "Talmoud E'sser Hasfirot", introduction). Etant parfait, de qui pourrait-il recevoir ? Sa seule volonté est de donner à son monde et à ses créatures.

Ainsi, pour ressembler à D.ieu et atteindre le bonheur véritable, l'homme devra aquerir l'humilité pour annuler en lui la volonté de recevoir des honneurs, et devra apprendre à être uniquement donnant.

A retenir

Le mariage permet à l'homme d'apprendre à aimer véritablement, c'est-à-dire à donner de manière désintéressée, sans attendre de retour, tout comme D.ieu, Lui-même donne en permanance la vie à Son monde et à toutes les créatures sans attendre de retour. Le mariage permet donc à l'homme de ressembler à D.ieu, ce qui constitue le plus grand bonheur, et c'est pour cela qu'il constitue l'une des plus grandes mitsvot.

#Le couple et l'éducation