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Publié par Itsrak Morali

Y-a-t il une fierté positive ?

Développement de la question

Le verset de la Torah qui stigmatise le plus la fierté personnelle est sans doute celui-ci :

וְאָמַרְתָָּ בִָּּלְבָבֶךָ: כָֹּּחִּי וְָּעֹּצֶם יָָּדִּי, עָָּשָה לִָּּי אֶָּת-הַחַיִּל הַָּזֶה.

"Tu diras en ton coeur : « C'est ma force, c'est le pouvoir de mon bras, qui m'a fait cette réussite »". Ce verset est suivi d'une injonction Divine :

וְזָכַרְתָָּ אֶָּת-ה' אָּ-לֹהֶיךָ, כִָּּי הָּוּא הַָּנֹּתֵן לְָּךָ כָֹּּחַ, לַָּעֲשוֹת חָָּיִּל...

"Et tu te souviendras de Hashem ton D.ieu qui te donne la force de faire cette réussite… "[Dévarim 8, 17-18]
Il pourrait nous sembler de manière logique et naturelle de considérer notre verset d’introduction comme négatif [Tu diras en ton coeur : « C'est ma force, c'est le pouvoir de mon bras, qui m'a fait cette réussite »], fruit de l’orgueil ; et que c’est cet orgueil qui mène à l’oubli de Hashem, dont vient le deuxième verset nous mettre en garde [Et tu te souviendras de Hashem ton D.ieu qui te donne la force de faire cette réussite…].

Pourtant, ce verset est bel et bien rédigé comme un ordre : "Tu diras en ton coeur..."

Se pourrait-il qu'il puisse y avoir une autre interprétation de ce verset qui nous ouvrirait vers une toute autre perspective ?

Réponse

Le Rav Ouri Cherki explique que pour comprendre comment bien interpréter notre verset d’introduction, il faut revenir quelques versets plus haut - au verset 10 de ce même chapitre : « Tu mangeras, tu seras rassasié et tu béniras Hashem ton D.ieu pour le bon pays qu’Il t’a donné ».

Ici, on voit qu’il faut manger et être rassasié pour avoir la Mitsva de bénir Hashem et le remercier. Si on ne mange pas à satiété, on ne pourra pas bénir. Et donc la nourriture et la satiété sont ici des moyens de se souvenir de Hashem.

Pourtant au verset 12, la Torah semble dire le contraire : « De peur que tu ne manges, et ne sois rassasié… » ; et au verset 14 : « et tu oublieras Hashem ton D.ieu… ».
Du verset 12 on pourrait penser qu’il est dangereux de manger à satiété car on risque d’oublier Hashem. Vient le verset 10 pour nous dire qu’il existe une façon positive de manger et d’être rassasié, qui est de se souvenir de Hashem immédiatement après en le remerciant dans le Birkat haMazone.


Donc le but n’est pas de se séparer de la matière pour servir D.ieu, mais au contraire, de réussir l’épreuve de sanctifier D.ieu dans la matière, et donc de manger, être rassasié et pourtant de faire le Birkat haMazone.


C’est la même chose pour notre verset d’introduction. Le Rav Ouri Sherki rapporte les commentaires de Rabbénou Nissim de Gérone (le Ra”n) [Drasha 10] et de Don Itsh’ak Abravanel qui interprètent positivement notre verset pour la raison suivante : la Torah n’est pas venue annuler la valeur des intermédiaires.


D’après cette interprétation lumineuse, notre verset d’introduction n’est pas une mise en garde mais bien à prendre au sens propre. Il faut dire en son coeur : « C'est ma force, c'est le pouvoir de mon bras, qui m'a fait cette réussite » ; afin de pouvoir ensuite réaliser pleinement ce qui est demandé au verset suivant : se souvenir que c’est « Hashem ton D.ieu qui te donne la force de faire cette réussite » ! Et de même que nous avons vu qu’il existe une action de manger positive qui doit mener au remerciement à Hashem, ici aussi, il existe une manière positive d’être satisfait de soi-même qui doit entraîner le souvenir de Hashem.


Si nous avons toujours peur de nous enorgueillir lorsque nous construisons le monde matériel, alors ceux qui agiront à notre place seront les impies qui s’enorgueillissent et oublient que c’est Hashem qui leur a donné la force de le faire. Cette vision de notre verset d’introduction vient chasser l’erreur commune qui consisterait à croire que la Emouna et le rapprochement vers Hashem seraient liés à un désintéressement du monde matériel et à la pauvreté.


Gandhi jeûnait parfois vingt jours d’affilée pour penser à D.ieu et disait qu’il oubliait D.ieu quand il mangeait. La Torah vient ici nous dire exactement le contraire : nous devons manger à satiété, et nous souvenir que cette nourriture vient de D.ieu ; nous devons également être contents de nous-mêmes dans notre réussite, et nous souvenir que c’est D.ieu qui nous a donné la force d’y arriver.

A Retenir

La matière ne doit pas représenter un risque d'éloignement d'avec le créateur mais au contraire, un moyen de s'en rapprocher en se souvenant que c'est Lui qui en est la source. Aussi, manger à satiété est un moyen de se souvenir que c'est D.ieu qui donne la subsistance, en récitant les actions de grâce après le repas (le Birkat Hamazon). De même le fait d'être satisfait de sa propre réussite en disant en son coeur "C'est ma force, c'est le pouvoir de mon bras, qui m'a fait cette réussite" est un moyen de se souvenir que c'est D.ieu qui donne cette force.

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